Nous avons besoin d’une démarche qui nourrisse les valeurs humaines d’unicité et d’harmonie. Si nous nous y mettons tout de suite, nous pourrons espérer que ce siècle soit différent du précédent. C’est dans l’intérêt de tous. Il nous faut donc travailler en
faveur de la paix dans nos familles et dans la société, et ne rien attendre de Dieu, du Bouddha ou des gouvernements.
DW : Votre message essentiel a toujours prôné la paix, la compassion et la tolérance religieuse, mais le monde semble s’être engagé dans la direction inverse. Votre message n’a-t-il donc pas été entendu par les populations ?
Dalaï Lama: Je ne suis pas d’accord avec vous. C’est à mon avis un petit pourcentage de gens qui souscrivent à un discours violent. Nous sommes des êtres humains, et nous n’avons aucun fondement, aucune bonne raison pour tuer les autres. Quand on considère les autres comme des frères et des soeurs, alors il n’y a plus de place pour la violence.
De plus, les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui sont le résultat de différences superficielles sur des questions de foi et de nationalité. Nous sommes un seul et même peuple.
DW : Vous constatez que les dirigeants mondiaux sont obsédés par la croissance économique et ne se préoccupent pas de morale. Cette tendance vous inquiète-t-elle ?
Dalaï Lama: Nos ennuis vont redoubler si nous ne mettons pas les principes moraux au-dessus de l’argent. La morale est importante pour tout le monde, y compris pour les croyants et les politiciens.
DW : Vous dites que l’approche par la voie du milieu est la meilleure façon de résoudre la question tibétaine. Pensez-vous que votre stratégie finira par l’emporter un jour ?
Dalaï Lama: Je crois que c’est la meilleure méthode. Nombre de mes amis – y compris des dirigeants indiens, américains – croient que c’est la voie du réalisme. Au Tibet, les militants politiques, les intellectuels chinois et les étudiants soutiennent notre politique de « Voie du Milieu ».
Quand je rencontre des étudiants chinois, je leur dis que nous ne cherchons pas à être indépendants de la Chine. Ils comprennent notre attitude et se sentent proches de notre cause. La question n’est pas celle du seul Tibet ; nous vivons au XXIe siècle et tous les conflits doivent être résolus par le dialogue, non par la force.